Axe 4
Discriminations, rapports au corps
et enjeux de l’analyse intersectionnelle 

À l’intersection des discriminations multiples (genre, classe sociale, religion, couleur de peau, origine ethno-raciale) vécues par les afropéennes, s’opèrent par effets de cumul et d’imbrication, des processus complexes et traumatiques d’invisibilisation, de minorisation, d’assignation, d’humiliation. Ces expériences d’oppression dès lors qu’elles sont nommées suscitent aussi résistances et répliques, de la contestation ouverte des hiérarchisations raciales et genrées aux multiples formes de subversion et de contournement, toutes porteuses d’agencéité (agency). L’intersectionnalité ici décrite est un outil d’analyse mais également une approche qui vise à donner la parole aux personnes discriminées. Cette dimension militante questionne les limites du paradigme interprétatif.

Aux hiérarchies sociales et raciales se greffent les hiérarchies des corps et l’hypersexualisation du corps noir. Cet axe examinera les conditions intimes et collectives de gestion de la sensibilité, la sensualité, l’affectivité, la représentabilité, la trace mémorielle et la vulnérabilité spécifiques au phénotype noir féminin dans l’espace socioculturel occidental.

Les interventions

« Troubles du racisme. Femmes noires et agressions ordinaires » (extrait)
Yann LE BIHAN,
sociologue université Paris Nanterre

À partir de témoignages recueillis auprès de « femmes noires », je montre que les racismes contemporains provoquent un trouble spécifique aujourd’hui en France. Les micro-agressions se disséminent à l’hôpital, dans la rue, l’entreprise, l’université ou lors d’une soirée entre amis. « Tu es de quelle origine ? », ou un compliment accompagnant le toucher d’une chevelure, autant d’actes qui enchevêtrent au quotidien l’agressivité et une supposée attention à l’Autre. L’intention de l’auteur de ce racisme subtil n’est jamais claire. De sorte que l’efficience de ses dommages accumulés peut se montrer supérieure à celle du racisme primaire. Visant le contrôle de sa cible exposée au doute et à la double contrainte, il concourt à la consolidation d’un ordre racial.

« Féminisme et Islam : du rapport conflictuel à la compatibilité conceptuelle  » (extrait)
Malika HAAMIDI,
sociologue, EHESS – UCLouvain

Ces deux dernières décennies, la question du genre en islam s’est transformée en un véritable mouvement  de pensée féministe islamique. A la fin des années 80, nous assistons à l’émergence d’une nouvelle conscience féministe ancrée dans la tradition musulmane. Des intellectuelles musulmanes occidentales proposent une herméneutique féministe islamique pour une approche interprétative contextualisée des sources scripturaires. Certaines versions de ce nouveau discours ont été qualifiées de « féminisme islamique ». Pourtant, cette expression est contestée à la fois par quelques musulmans et féministes qui la considèrent comme opposée à leurs positions et idéologies respectives. Selon eux, le concept  « féminisme islamique » serait contradictoire. Pourtant, c’est à partir d’une identité plurielle que ces intellectuelles musulmanes et engagées donnent une vigueur nouvelle à ce mouvement de réforme qui devient un enjeu majeur dans les sphères religieuses, politiques et intellectuelles dans le monde musulman comme en Occident à l’aube du XXIème siècle.

« Expériences de discriminations croisées dans l’école française: l’afropéanité comme horizon d’émancipation pour les afrodescendantes ? » (extrait)
Francine NYAMBEK-MEBENGA,
maitre de conf. sciences de l’éducation, Université Paris-Est Créteil

Pour les afrodescendants·e·s, l’école française est un lieu d’expériences des processus d’assignations raciales croisant la classe et le genre. Dans ce contexte où prime par ailleurs le principe colorblind et s’exprime une forte stigmatisation des particularismes, se construire en tant que citoyen•ne·s français·e·s lié·e·s à des héritages historiques (caractérisés par des rapports de domination), relève d’une lutte permanente à laquelle se consacrent les mobilisations antiracistes intersectionnelles. Après avoir décrit la manière dont l’école participe à la production et au maintien de ces discriminations croisées, nous nous intéresserons au concept d’afropéanité forgé au sein de ces luttes féministes intersectionnelles, aux conditions de son applicabilité dans le domaine de l’éducation. Dans quelle mesure peut-il être mobilisé dans ce contexte, constituer une ressource, un horizon d’auto-émancipation pour ces élèves, en particulier pour les filles, souvent confrontées à des formes spécifiques de gendered racism (Essed, 1991) ? En tant qu’instance socialisatrice préparant la citoyenneté à l’échelle nationale, supranationale (européenne) et plus largement humaine, l’école, peut-elle accompagner cette auto-émancipation des afrodescendantes ? Si oui, quelles ressources pédagogiques pour penser et construire l’afropéanité, quels enjeux épistémologiques ? 

« Experiences, resistance and response challenging racial and gendered hierarchies » (extrait)
Nadine BLANKVOORT,
PhD candidate, Maastricht University

Civic integration programmes claim to support individuals in new settings after migration, yet neo-liberal and security-based logics have resulted ‘Othering’ approaches. Through critical post-colonial discourse analysis of texts used within Dutch civic integration programmes, we uncovered a racialized and gendered discourse. The texts divide migrants along a racialized hierarchy of modernity, with refugees discursively shaped as the most ‘unmodern’. The discourse further focuses on women, presenting them as ‘most unmodern’, justifying interventions reminiscent of colonial times, such as empowerment, ‘saving’ women from ‘traditional’ homes, ensuring their contribution as ‘productive’ citizens. This analysis displays the harmful effects of pervasive colonial hierarchies.