Axe 1
Condition afropéenne
du point de vue des femmes

Le concept d’afropéanité dont le colloque s’attache à identifier la portée a déjà une histoire.
Il émerge dans des milieux artistiques vers la fin des années 1980 porté par les dramaturges d’ascendance africaine Koffi Kwahulé et Kossi Efoui et la décennie suivante, dans le milieu musical avec le label new-yorkais Luaka Bop de David Byrne. Celui-ci produit le premier album du groupe belge Zap Mama intitulé Adventures in Afropea dans lequel les artistes d’origine congolaise Marie et Anita Daulne se nomment afropéennes. A leur suite, d’autres promoteurs de l’afropéanité développent un discours afropéen et ainsi contribuent à la construction du concept .
L’écrivaine et essayiste Leonora Miano présente la synthèse suivante : « est dite afropéenne une personne d’ascendance subsaharienne, née ou élevée en Europe. […] Les concernés sont avant tout dépositaires d’un vécu européen [mais aussi d’un héritage culturel africain qu’ils ne souhaitent pas congédier] , ils ne connaissent que la vie en situation de minorité, l’existence d’un espace rétif à se reconnaître en eux » (Miano 2020 : 10,51).

Dans le prolongement, le CARES à partir d’un cadre conceptuel élargi et décloisonné, désigne les Afropéen.ne.s comme des personnes « d’origine africaine subsaharienne et méditerranéenne, nées et/ou ayant grandi en Europe, porteuses d’un double héritage, européen et africain » (CARES 2022).
Le caractère encore flottant du concept est une invitation à en affiner et questionner les contours. C’est dans ce contexte que se pose par exemple la question de l’équivalence ou de la différence entre afro-européanité et afropéanité, l’une qui désignerait la juxtaposition des deux identités et l’autre leur fusion vers un horizon à définir.

Cet axe ouvre donc un espace de débat entre des personnes qui adhèrent au concept et celles qui le contestent. Il interroge les possibilités et les modalités, du point de vue des femmes afropéennes, d’une rencontre entre engagement militant et pensée critique.

Les interventions

« Descendantes de la Mauresse : À la recherche d’une gynéalogie afropéenne.»
Léonora MIANO,
écrivaine, essayiste

Quiconque s’intéresse à l’histoire des Afropéennes, aux femmes qui les ont précédées et dont le parcours marqua le début de l’expérience des Afrodescendantes en Europe, a forcément rencontré la figure mystérieuse de sœur Louise Marie de Sainte-Thérèse, dite « la Mauresse de Moret ». Encore aujourd’hui, on ne sait vraiment qui était cette femme noire, cloîtrée dans un couvent où elle prit l’habit en présence de membres éminent de la famille royale de France. À l’instar de la Mauresse dont seule la fiction pourrait aujourd’hui permettre d’imaginer la vie dans la France du Grand Siècle, les Afropéennes de notre temps sont filles du silence. C’est à cette situation qu’il s’agit de mettre un terme, pour restituer aux Afropéennes leur arbre gynéalogique.

« L’Afropéanité qui s’éveille : Les identités racontées, feuilletées, altérées, interrogatives, interprétées. »
Olivier ABEL,
philosophe, Institut Protestant de Théologie, Paris

Les jeunes Afropéens, comme bien d’autres jeunesses méditerranéennes et européennes, sont à la fois déplacés sans que ce soit du tourisme, un point de vue de survol sur le monde, et attachés sans être enracinés au sens identitaire. Penser l’identité vive, c’est à la fois refuser qu’il n’y ait plus que des autres, et refuser de se coincer dans des identités exclusives et sans failles. C’est résister au scepticisme, à l’interchangeabilité universelle, et au fanatisme inverse des enfermements identitaires. C’est penser la condition d’être né, mais aussi la condition hospitalière, dans les deux sens du terme, et la condition stylistique d’exercer une forme de vie. C’est résister à la barbarie d’être nié comme sujet parlant, interrogeant, interprétant.

« Le pouvoir de la représentation dans la construction des identités afropéennes individuelle et collective »
Yvette UMUHIRE, auteure jeunesse, Belgique

Y. Umuhire s’attarda plus particulièrement sur la discrimination basée sur la couleur de peau vécue par les jeunes afropéens.
En juillet 2021, elle a publié mon premier livre jeunesse, Héroïnes et héros d’Afrique. Cet album illustré regroupe de petites biographies de certaines grandes figures du continent africain. Ce livre est un miroir pour ces enfants afropéens qui n’ont pas l’habitude de se voir représenter à la télévision et encore moins dans la littérature jeunesse. 
C’est également une invitation à la découverte pour les enfants européens. Car elle est profondément convaincue, que diversifier les bibliothèques de nos enfants est le premier pas vers une société plus inclusive avec moins de discriminations. Valoriser les histoires avec des personnages noirs contribuent à briser les stéréotypes, aide à la représentation et construction des identités individuelles et collectives.